Marie Anne est née d’un père cri de Eastmain et d’une mère anishnabe. Elle a vécu près de Rapide-Sept jusqu’à l’âge de sept ans, lorsque sa condition de santé l’a contrainte à quitter le pensionnat et sa famille pour recevoir des soins à Montréal. Elle avait 14 ans lorsqu’elle est retournée vivre au sein de sa communauté de Lac-Simon. Après huit ans sans aucuns contacts avec les siens, l’adolescente a compris que pour renouer avec sa langue maternelle et sa culture, il lui faudrait faire beaucoup d’efforts. Même si elle ne comprenait pas toujours ce qu’ils lui disaient, elle allait à la rencontre des aînés. Elle essayait de prononcer les mots et ils la corrigeaient. Patiemment, ils lui ont enseigné la langue Anishnabe de nouveau, ainsi que sa culture :
« J’ai retrouvé ma langue avec les aînés. Je me tenais beaucoup avec les aînés quand j’étais jeune; ils m’ont quasiment tout réappris. Même ici, à la Maison des aînés, je continue tout le temps à apprendre la langue. Je suis bien contente : aujourd’hui, je la parle et je la comprends. »
C’est au tour de Marie Anne de transmettre son savoir sur le capteur de rêves à différents groupes d’âge. Il est important pour elle d’offrir à la jeune génération des occasions de comprendre sa culture et de développer un sentiment d’appartenance. Elle souhaite que sa propre quête identitaire puisse en aider d’autres à découvrir et aimer qui ils sont.
« On perd son identité sans la langue. Pour moi c’était important de retrouver qui je suis. Avant, à Montréal, j’étais perdue. Tout le monde me disait que j’étais une Indienne, mais je ne savais même pas ce que c’était. J’étais parmi des Blancs et j’étais toute seule là-bas. »
Lorsqu’elle habitait en foyer d’accueil à Montréal, on l’obligea à adopter le français le plus vite possible. Étant encore trop jeune pour comprendre véritablement ce que cela impliquait, elle apprit cette nouvelle langue et oublia l’anishinabe, la plus importante pour elle. Plus tard dans sa vie, Marie Anne retourna s’installer à Montréal pour faire ses études de droit.Encore une fois, elle y perdit une part importante d’elle-même : sa relation à sa culture anishinabe. En voyage à San Diego avec sa sœur pour une conférence, elle fut attirée par un atelier de confection de capteurs de rêves. « Je voulais tellement apprendre ce que c’était! » se souvient-elle. Cet atelier planta les semences d’une passion qui l’accompagna toute sa vie et qui l’aida à retrouver son identité.
Marie Anne donna ensuite ses premiers ateliers dans des écoles primaires de Montréal et dédia de plus en plus de son temps à la réalisation de ses propres créations. Depuis, l’esprit de Marie Anne est en constante ébullition; elle imagine constamment ses prochaines œuvres et trouve l’inspiration partout. Chacun de ses capteurs, qu’elle purifie à l’aide de la sauge, est unique et témoigne de son attention pour le détail.
« Je me sens bien, plus dans ma culture. Je suis fière de faire quelque chose de ma culture. C’est important pour moi. »
Elle collabore de plus en plus avec sa fille Branda, laquelle s’est aussi initiée à l’artisanat et poursuit son apprentissage auprès de sa mère. La résilience de Marie Anne n’a d’égal que sa soif de vivre : « Il n’y a rien qui m’arrête encore, car je suis fière d’être Anishnabekwe et parce que la vie est belle! »
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Photos: Marie-Raphaëlle LeBlond