Cinéaste professionnel, Kigos Papatè, mieux connu comme Kevin Papatie, est originaire de la communauté anicinabe de Kitcisakik. Ses créations sont aisément reconnaissables aux images fortes et symboliques que l’artiste fait interagir avec les éléments de la nature. Kigos allie les techniques modernes à la beauté intemporelle de son territoire ancestral pour explorer les différentes facettes de la réalité anicinabe. Son œuvre relève à la fois du film documentaire et du film expérimental : « Ce que je fais, c’est plutôt de la ‘vidéo-poésie’ », conclue-t-il. Bien que le cinéma soit au cœur de son art, Kigos ne s’y limite pas. Il aime explorer différentes formes d’art, notamment la sculpture et la musique. Il a d’ailleurs participé à plusieurs expositions partout au Québec. Son implication auprès de Minwashin, dont il est un membre fondateur, l’amène à travailler activement à la revitalisation de la culture anicinabe.

« Quand je fais de quoi, je vise toujours la conscientisation. Je traite toujours d’injustice et d’histoire. En faisant cela, je m’alimente d’espoir aussi. Nous sommes encore là. Il ne faut pas négliger l’espoir! »

À la fois réalisateur, caméraman et preneur de son, Kigos scénarise et réalise tous ses films. Ces derniers ont fait le tour du monde et lui ont valu des prix à plusieurs festivals internationaux. C’est le cas de Wabak (2006), qui a remporté en 2007 le prix du meilleur film expérimental au Winnipeg Aboriginal Film Festival, ainsi que le prix Jeune espoir « Mainfilm » au festival Présence autochtone. L’Amendement (2008) figure quant à lui en première partie du film L’Âge des ténèbres de Denys Arcand et a rejoint des milliers de personnes dans une centaine de salles à travers le Québec. Le court-métrage s’est également vu accorder le prix du meilleur film en langue autochtone au festival ImagineNative de 2008.

Kigos réalise des films courts, dans sa langue (avec sous-titres), et y traite de la réalité des siens. Son œuvre se distingue par un éventail de techniques uniques qui allient l’innovation technologique à la force intrinsèque de la nature. Kigos préfère créer ses effets visuels directement en forêt plutôt que sur un ordinateur; il utilise notamment la projection d’images sur l’eau et l’écorce. Son approche ingénieuse lui a permis de créer un vocabulaire visuel unique, profondément inspiré de sa culture ancestrale.

« [Notre langue] a une histoire; elle est encore en vie et je suis l’un des chanceux qui savent encore la parler, qui l’ont apprise. Que les jeunes puissent continuer de l’apprendre et de l’utiliser, c’est une des missions que je me donne. Il ne faut pas que ça reste juste un murmure, l’anicinabe! »

Ses techniques ont beaucoup évolué, mais Kevin est demeuré fidèle aux sujets qui lui tiennent à cœur. Pour réaliser son premier court-métrage, Anicinape Madiziwin (2004), Kevin est allé à la rencontre des aînés de sa communauté pour recueillir leur vision de l’histoire. Après le décès de certains d’entre eux, Kevin a mesuré la valeur inestimable des témoignages qu’il avait collectés pour son film. Au cours de l’été 2019, Kevin a entrepris une grande tournée du territoire anicinabe afin de rencontrer des aînés pour dresser un portrait de sa langue ancestrale : son histoire, sa diversité et son avenir. Anicinapemowin (« Parlons anicinabe ») a été présenté lors de la deuxième édition de Miaja, un grand rassemblement sur la langue anicinabe organisé par Minwashin en 2019. Kevin espère que son œuvre puisse servir à réunir les différentes générations et, surtout, à mobiliser la jeunesse : « Il y a eu une coupure entre les générations, explique-t-il; je ne veux plus que cela se reproduise à l’intérieur des familles. »

Pour Kigos, la documentation et l’archivage ne sont qu’une partie de la solution. Pour que la culture anicinabe puisse prospérer dans le milieu des arts, il lui faut arriver à conserver son intégrité dans le contexte muséal. En 2013, il a contribué à la conception et à la création d’une exposition permanente au Musée de la civilisation de Québec avec La Boîte Rouge. L’année suivante, il a présenté trois de ses films à la première édition de l’exposition Dialogue, au Ma Musée d’art de Rouyn-Noranda. En 2015, il a collaboré avec l’artiste et poétesse abitibienne Sonia Cotten pour présenter une création originale dans le cadre de Dialogue II. Kigos a finalement endossé le rôle de commissaire à la troisième édition de l’exposition en 2019.

 « Je trouve que ce que je transporte, que ce soit par le cinéma ou par une exposition, c’est la forme organique. Je marie le monde organique avec le monde technologique, le monde autochtone avec le monde allochtone. Les échanges sont toujours gagnants quand on écoute l’autre. »

Kevin est également le papa dévoué de trois enfants qu’il initie avec bonheur aux arts et à leur culture. C’est avec eux qu’il explore la peinture, pour laquelle il s’est découvert un grand intérêt.

kheaven35@gmail.com
Aller en haut