Carlos fut initié au dessin à l’âge de huit ans par son arrière-grand-père, Samian (Samuel) Mowatt. Il garde des souvenirs impérissables de ces moments passés avec lui. Samuel dessinait les animaux qu’il avait vus en forêt sur de tout petits cartons qu’il tendait au garçon : « Essaie de faire ce que je viens de faire », lui disait-il. Samuel conservait les petits cartons contenus dans des cartouches de papier à rouler en prévision de ses rencontres avec le jeune Carlos. C’est en reproduisant les esquisses de son aîné Samuel qu’il a appris à manier le crayon et, lorsqu’il n’était pas avec lui, il dessinait de mémoire les animaux qu’il lui avait montré à tracer. À l’école, il passait beaucoup de temps à dessiner. Ses notes de cours étaient invariablement recouvertes de dessins d’animaux de la forêt. Plus tard, à l’adolescence, il fut influencé par Harry Wylde, qui lui tendait des dessins à reproduire et qui prenait le temps de lui montrer comment réaliser tel et tel trait. C’est auprès de lui que Carlos apprit à travailler un dessin dans le détail.
« Ça m’amenait ailleurs. Dessiner m’a toujours amené ailleurs. Ça le fait encore aujourd’hui quand je fais de la peinture. »
C’est seulement au cégep que Carlos explore d’autres médiums. Inscrit en arts au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, à Rouyn-Noranda, il se prend de fascination pour la matière et la façon dont on mélange les couleurs pour en créer une multitude de nouvelles. Dès sa première session d’études, il fait la découverte de la peinture acrylique. Celle-ci semble correspondre parfaitement à son flot de travail et il l’adopte.
Pour Carlos, culture et territoire sont deux éléments d’un tout indivisible. Il s’estime choyé d’avoir appris la vie en forêt : la chasse, la trappe, la pêche. Il cherche à transposer son amour pour le territoire et à véhiculer son importance pour la culture anicinabe dans ses œuvres. Il souhaite que son travail puisse aider à lutter contre la simplification abusive qui teinte la perception populaire des cultures autochtones. Pikogan, rappelle-t-il, n’est pas une réserve, mais un territoire immense et vivant.
« Je suis Abitibiwinni. C’est d’où je viens. Le territoire, ici, chez nous, ça a une grande importance pour moi. Nous sommes confinés dans de petits endroits et ça me dérange beaucoup. C’est pour cela que le territoire, c’est important pour moi. […] Je veux qu’ils voient… aussi petit que ça puisse être chez nous, je veux qu’ils voient à quel point ça peut être grand en montrant mes toiles. »
Aujourd’hui père de trois enfants, Carlos saisit mieux l’importance de la fierté et de la confiance en soi dans le développement personnel. Devenir parent lui a permis de mieux comprendre l’histoire de sa communauté et, plus que tout, il souhaite voir les siens s’épanouir dans la connaissance et la fierté de leur culture.
« Pour moi, la famille c’est plus important que n’importe quoi d’autre. Je peux dire que nous l’avons fait, [nous avons brisé la chaîne] et ça prend ça. Il y a des familles pour qui ce sera dans la prochaine génération, d’autres pour qui ce sera plus loin, mais ça va se faire. Nous, nous avons réussi à le faire. »
Ses filles ont commencé à venir l’observer lorsqu’il peint. Il leur procure du matériel pour qu’elles s’exercent, comme ses aînés l’ont fait avant lui. La plus vieille reproduit certaines des choses qu’il peint, comme il l’a fait avant elle, et la deuxième crée à partir de son imaginaire.
Initié à la danse traditionnelle au début de sa vie adulte, il prend régulièrement part à des pow-wow depuis 2013.
Photos: Marie-Raphaëlle LeBlond