« J’aimerais renforcer notre identité culturelle pour qu’elle puisse avoir sa place dans notre société. »
Pour Rodney, tout a commencé par une question toute simple, adressée à son grand-oncle : où pouvait-il trouver le bois pour fabriquer une paire de raquettes? Son aîné lui pointa la forêt et l’y accompagna. Ce jour-là, il lui enseigna à identifier les arbres et à fendre leur bois pour en faire des lanières flexibles. Il l’amena ensuite dans son garage où, étape par étape, il l’accompagna dans la confection de sa première paire de raquettes. Par la suite, les deux hommes se retrouvèrent régulièrement dans ce même garage, réalisant toutes sortes d’expériences sur du bois et de l’écorce. Rodney se souvient du moment où son grand-oncle lui a montré qu’il était possible de faire bouillir de l’eau à même un panier d’écorce : fasciné, il eut la piqûre. L’ingéniosité des techniques de son peuple et le bonheur simple de se retrouver en forêt pour la récolte n’ont pas perdu de leur beauté à ses yeux; c’est pour cela qu’il a tant à cœur de partager ce savoir à d’autres.
Rodney travailla en mécanique diesel durant sa jeune vie adulte, mais il doutait de son choix de carrière. Après avoir été témoin de plusieurs accidents de travail, il décida de reprendre ses études aux adultes. Cette décision aura des répercussions multiples sur sa vie. C’est à l’école qu’il eut l’occasion de fabriquer son tout premier tikinagan. Il fut immédiatement conquis par cet objet d’artisanat, qui lui enseigna la force des principes de sa culture. C’est aussi au cours de ses études qu’il suivit son premier atelier sur la prévention des dépendances, où on lui enseigna les cérémonies et la médecine traditionnelle. Cet atelier lui permit de mieux comprendre l’histoire de son peuple et, surtout, lui montra qu’il était permis d’espérer. Rodney fut profondément touché par ce qu’il apprit et une fois son diplôme en poche, il enchaîna avec le Programme national de lutte contre l’abus de l’alcool et des drogues chez les Autochtones. Il œuvra dans ce domaine pendant six ans, dans sa communauté, avant de s’y impliquer comme conseiller culturel. Rodney croit profondément en le pouvoir de guérison de la culture.
« Ça me tient à cœur, ça me rejoint vraiment. C’est pour cela qu’il était facile pour moi de fabriquer un tikinagan : une partie de ma culture, mon identité, ma lignée est là-dedans, donc c’est naturel pour moi de faire des choses comme celle-là. »
Rodney est doté d’un esprit créatif en constante ébullition. Il aime toujours autant expérimenter avec différents matériaux et jamais les idées ne viennent à lui manquer. Créer et travailler de ses mains calme son esprit; l’artisanat agit comme une méditation et il partage ses effets thérapeutiques dans ses ateliers. Son objectif est d’offrir à d’autres l’opportunité de comprendre et d’apprécier leur culture, de reconnecter avec leur identité, et il rêve de pouvoir s’y consacrer à temps plein. Il a la conviction que l’artisanat, par sa manière de sortir celui qui le pratique de sa zone de confort pour créer quelque chose de beau, génère de la fierté et une meilleure connaissance de soi.