Richard Kistabish est un Anicinabe de la Première nation Abitibiwinni. Il parle couramment le français et l’anglais, de même que sa langue traditionnelle, l’anicinabemowin. Il a grandi en forêt, sur les berges de la rivière Harricana, où il a été élevé dans sa langue, en apprenant à pratiquer la culture de ses ancêtres, jusqu’à l’âge de six ans. Il a alors été envoyé au pensionnat indien de St-Marc-de-Figuery, près d’Amos, où il a vécu jusqu’à l’âge de 16 ans. Richard est né Ejinagosi, un nom qui le prédestinait à avoir de l’impact, puisqu’il signifie « celui qui raconte ». Il ne pouvait donc se taire devant le génocide culturel des Premiers Peuples du Canada.

Nid anicinabe ijitawinan odehi nid ijigijewinan, ni kacka emidaman, kidji nepidji tagok ka iji nedimiyak, ka iji inabidimak enigokwakamigak, kidji mizeyabidamak kidji manactowatc ka mamakatenidagok acitc e ijinagoziyak pepjik nid acinabe akinanan.

Notre langue est le cœur et l’âme de notre culture, car elle permet de communiquer entre nous, de perpétuer nos concepts, notre vision du monde, de façon holistique tout en respectant l’unicité et les caractéristiques propres à nos communautés respectives. La langue nous unit et nous rassemble.

Toute sa vie, Richard Kistabish s’est engagé à défendre, corps et âme, la juste reconnaissance de sa nation, mais surtout, il a pavé la voie vers la recherche de solutions innovantes. Au niveau local, il a été président des services sociaux Minokin, et a rempli les fonctions d’administrateur et de gestionnaire du comité de la santé de la communauté de Kitcisakik. Il a également œuvré dans le domaine social et de la santé aux niveaux régional et provincial pendant de nombreuses années. Progressivement, il est devenu une voix forte sur le territoire. Il est devenu chef de la Première nation Abitibiwinni, puis Grand chef du Conseil Algonquin du Québec pendant deux mandats. Il a plus tard choisi de quitter la carrière politique pour mieux s’engager dans l’action concrète auprès des communautés autochtones.

Le dossier des pensionnats lui a toujours « collé à la peau », ayant lui-même été forcé d’y vivre pendant 10 ans. Il n’a donc pas hésité devant la proposition du gouvernement fédéral de faire partie d’un conseil d’administration dédié à la gestion des sommes accordées pour établir des processus de guérison dans différentes communautés à travers le Canada. Ejinagosi était chargé de l’évaluation et de l’analyse des projets favorisant les moyens alternatifs comme la guérison traditionnelle. À cette occasion, il a développé une trousse pédagogique permettant de faire comprendre aux étudiants de tous âges et de toute nationalité, les impacts des pensionnats sur les Premiers Peuples.

« Avec une certaine dignité regagnée et de la fierté qui refait surface, je suis très fier d’encore parler ma langue. »

Il a dédié plusieurs décennies de sa vie à dénoncer les abus commis dans les pensionnats indiens. Il est d’ailleurs le président de la Fondation autochtone de l’espoir, une organisation caritative qui œuvre à la sensibilisation et à l’éducation des Canadiens au sujet du système des pensionnats indiens et de leurs impacts intergénérationnels. Chaque action de cette fondation reflète la volonté de son président : celle de trouver des chemins de guérison collective. À l’initiative de M. Kistabish, la Fondation a documenté et partagé le récit de 800 survivants des pensionnats. L’idée derrière cette démarche était de ne pas laisser ces témoignages tomber dans l’oubli et aussi, de fournir des éléments de compréhension essentiels aux générations qui ont suivi et subi l’impact indirect de ces blessures profondes.

« En 1975, j’avais pris un engagement personnel de faire connaître l’histoire des pensionnats. Je voulais aussi m’assurer que ce genre d’histoire ne se répète plus jamais sur la planète. Ça ne devrait plus jamais se reproduire. Jamais, à aucun moment.
Je me suis engagé à prendre toutes les tribunes qui me seront offertes pour faire connaître cette histoire-là. C’était mon engagement, la bataille de ma vie. C’est ce qui m’a amené à me tenir debout. C’est ce qui m’a amené à assumer mes responsabilités, mon devoir, mes obligations.
Je souhaitais faire en sorte de modifier les choses nécessaires pour corriger cela. C’était le plus fondamental dans ma démarche. Je pense que j’ai reçu les dons nécessaires pour le faire. En effet, j’ai été élevé déjà pour être un conteur d’histoires quand j’étais tout petit. J’ai utilisé ce cadeau-là pour transmettre aux autres cette histoire. »

(extrait d’une entrevue réalisée par l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal)

Il a donc marqué fortement l’histoire de la nation anicinabe et celle des autres nations du Canada, puisque ces entrevues ont servi de base importante à la Commission Vérité et Réconciliation. C’est grâce à celle-ci qu’en mai 2015, la Cour suprême du Canada a décrit l’impact des pensionnats comme un véritable génocide culturel, ce qui oblige le gouvernement fédéral à reconnaître sa responsabilité et investir dans des démarches de réconciliation. Les efforts déployés pour réaliser ce projet colossal d’enregistrement des témoignages ont valu à Ejinagosi la médaille de la paix YMCA, de même que le prix Coup de cœur de Bâton de parole, un organisme qui regroupe toute l’actualité autochtone du Québec, du Canada et des États-Unis afin de faire le lien entre diverses communautés. Il a également été invité à plusieurs reprises comme conférencier ou paneliste lors de colloques internationaux. Ses deux dernières interventions portaient essentiellement sur la question de la langue.

Aujourd’hui, Ejinagosi est le président de Minwashin, un organisme de développement culturel et artistique anicinabe. Avec un conseil d’administration entièrement composé de membres de sa nation, il défend, valorise et transmet la culture anicinabe et s’est engagé, depuis les débuts de l’organisme, à protéger et revitaliser sa langue natale.

Son implication sociale et politique, qui a toujours pris une place importante dans son emploi du temps, continue de l’habiter : il est également président de la Fondation autochtone de l’espoir, qui œuvre sur la sensibilisation et l’éducation des Canadiens au sujet du système des pensionnats indiens et de leurs impacts intergénérationnels.

Ayant vécu dix années difficiles au pensionnat de St-Marc, l’éducation des enfants anicinabek dans leur langue, entourés de leur culture et de leur famille, est rapidement devenu un enjeu important pour Richard. Pendant qu’il était chef des Abitibiwinnik, il a travaillé à amener l’école dans la communauté pour que les enfants n’aient plus besoin de quitter leur famille pour aller étudier à Amosé

« Il me semble qu’on est perdus. Et ce n’est pas nécessairement une simple perte de situation géographique, mais c’est aussi une perte de l’âme. Moi, j’appelle cela des grands brûlés de l’âme. Nous sommes devenus des grands brûlés de l’âme. En étant des grands brûlés de l’âme, il y a des médicaments qu’on peut prendre, il y a des approches qu’il faut utiliser pour essayer dans un premier temps de calmer la douleur et, dans un deuxième temps, de donner des soins qui sont continus, des soins appropriés. Il y a toutes sortes de moyens pour y arriver. »

Dans cette entrevue, Richard témoigne de son expérience du pensionnat autochtone de Saint-Marc-de-Figuery.

(« Peuples autochtones de l’Amérique du Nord. » © 1982 TÉLUQ — l’université à distance de l’UQAM)

Richard est respecté pour son franc parler indomptable, mais aussi pour sa sagesse et pour son dévouement indéfectible. Les mots manquent pour traduire fidèlement la soif d’équité et l’humanisme de cet homme au parcours étonnant. Sa vaste expérience l’a muni d’une connaissance aigüe des enjeux touchant les Autochtones du Canada. Encore aujourd’hui, il demeure étroitement connecté aux réalités quotidiennes des communautés anicinabek et il est en première ligne de la revitalisation de la langue sur le territoire. Son expérience des processus de guérison par la revitalisation culturelle et identitaire lui procure une vision holistique de l’enjeu des langues traditionnelles.

« Quand j’essaie d’avoir le mot ‘espoir’ dans ma langue, je le dis «kadaminokijikan nigan wede » : ‘il faut qu’il fasse beau en avant’. »

Souvent envers et contre tous, Richard a su s’entourer d’alliés forts et mobiliser les joueurs clés de différents milieux. Il est à l’origine d’innombrables réformes administratives et partenariats ayant eu des impacts concrets sur la vie des siens. Depuis quelques années, son regard s’est tourné vers l’avenir de la langue anicinabe. La transmission de l’anicinabemowin aux générations futures est désormais au cœur de ses préoccupations. Avec l’organisme Minwashin, il a créé un événement annuel rassembleur, Miaja, un rassemblement de toutes les communautés anicinabek du Québec et des experts des autres nations autour de la revitalisation, de la valorisation et de la transmission du patrimoine, des arts et de la culture anicinabe. En 2019, ce rassemblement portait sur la langue et était le point culminant de toute une série d’actions visant à souligner l’Année internationale des langues autochtones et à sonner l’alarme quant à l’urgence d’agir pour la survie de l’anicinabemowin : enregistrements audio et vidéo des aînés monolingues du territoire, soutien au radios communautaires, trousses pédagogiques comprenant des étiquettes facilitant l’apprentissage de mots anicinabemowin, et plus encore.

Depuis des décennies, Ejinagosi prête sa voix à une nation que l’on surnomme encore « le peuple invisible ». Son dévouement a apporté une visibilité nouvelle aux Anicinabek par la mise en place de projet innovants sur le territoire. Compter un Anicinabe au sein d’un groupe de travail mondial serait une fierté pour l’ensemble de la nation et la preuve que les années de silence et d’invisibilité appartiennent au passé. Richard est un symbole anicinabe de résilience, comme plusieurs personnes de sa nation, mais il est aussi une figure politique forte et un homme d’action.

« Ils ont utilisé tous les moyens pour nous arrêter, pour nous faire disparaître. Ils ont utilisé notre culture, notre spiritualité, notre langue pour nous faire disparaître. À ce moment-là, notre seul moyen de se remettre en place, de se retrouver, c’est justement de réutiliser notre culture, notre langue, et de commémorer un peu plus le mode de vie de nos ancêtres, et ça, ça prend énormément de résilience. »

Récemment, Minwashin a réuni l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa et le Living Lab en innovation ouverte de Rivière-du-Loup afin de créer un laboratoire d’innovation sociale qui se penchera, avec les communautés, sur les actions concrètes pouvant être mise en place pour la revitalisation de la langue.

Par le récit des premières années de sa vie, au bord de rivière Harricana, et de la légende du bouleau, Richard partage sa culture et vision de la vie.

(Réalisation par Dominic Leclerc)

Des générations successives d’Autochtones ont souffert, pendant cent années, de la perte de leur culture et de leur spiritualité suite à leur passage dans les pensionnats indiens. Par le biais de cette conférence, vous serez informés du contexte historique à l’origine des problèmes sociaux actuels auxquels un grand nombre de Premières Nations, d’Inuits et de Métis sont confrontés. Il est important de valoriser et de stimuler des discussions plus approfondies et des enseignements afin que les Canadiens puissent cheminer avec les Autochtones pour parvenir à la compréhension mutuelle et à la réconciliation.

Clientèle : 3e cycle primaire, secondaire, enseignants
Durée : 1 h

Programme éducatif 

La Fondation autochtone de l’espoir a conçu une trousse destinée au milieu scolaire, et ce, pour les jeunes de 11 à 18 ans.

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president@minwashin.org
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