Depuis mon plus jeune âge, je trouve refuge dans l’art, dessinant alors les castors et orignaux rencontrés avec mon père dans son aire de trappe. Ce n’est qu’après des décrochages successifs, deux séparations, l’abus de substances et 38 mois d’incarcération dans une institution fédérale que l’art s’est révélé être un chemin vers l’indépendance.
J’y ai fait la connaissance d’un artiste, Steve Toulouse, qui m’a dit : « Tout ce que tu as à faire, c’est de croire en toi ». Inspiré par un livre de la bibliothèque sur Norwal Morrisseau, j’ai commencé à créer des images avec la peinture trouvée à l’atelier et des vieux draps ou blousons de jeans pour seules toiles. Les visiteurs du pénitencier commençaient à acheter mes tableaux et je décrochais ma première exposition à la Galerie Thomas B. Maracle, en territoire Mohawk Tyendinaga, en Ontario. Environ 2 600 œuvres plus tard, j’ai survécu aux rechutes, à un autre séjour en prison et à une attaque cardiaque. Je suis maintenant sobre et je garde contact avec mes enfants et petits-enfants.
Peindre me donne le sentiment de faire quelque chose pour moi. C’est excitant de faire partie de l’évolution de l’art algonquin contemporain collectionné et exposé partout dans le monde. Comme artiste peintre et sculpteur de la première nation algonquine, je me suis approprié mon héritage culturel d’une manière que mes ainés n’auraient jamais pu imaginer, exprimant ainsi ma propre esthétique et vision sociale et politique dans différents médias. Même si je peins dans un style fondamentalement traditionnel, il se dégage de mes œuvres colorées et dynamiques une fraîcheur toute moderne. J’illustre avec force et réalisme les activités quotidiennes, la faune du Nord-Ouest québécois et la spiritualité traditionnelle toute empreinte de légendes et de transformations shamanistes. Le huard, grand plongeur du Nord, et le loup restent parmi mes symboles préférés de la nature sauvage.
Voici ce qu’a dit à mon sujet le sociologue de l’art, Guy Sioui Durand, lors d’une entrevue accordée après la parution de la nouvelle collection de pièces de monnaie de la Monnaie Royale du Canada :
« C’est une tribune incroyable, mais l’impact de son œuvre dans la communauté est tout aussi important… Au début, nous percevions dans ses créations l’influence de l’artiste ojibway Norwal Morrisseau, à l’origine du mouvement Woodland Art dans les années 1960. À présent, il possède sa propre signature. Son évolution est vraiment intéressante. » – La Frontière, le 9 février 2018
Chaque occasion de montrer mes œuvres me permet de briser l’isolement des miens, de promouvoir nos traditions et de bâtir un pont entre les cultures. La situation des jeunes m’interpelle profondément; je suis donc toujours heureux de partager mon expérience avec eux et de leur raconter à quel point l’art m’a aidé à me libérer et à accéder à une vie saine, remplie de découvertes. Je suis très reconnaissant envers les anciens qui m’ont aidé à retrouver et à maintenir mon équilibre.
Frank Polson a également participé au projet MADAMIKANA – la croisée des chemins – un projet de médiation artistique porté par Minwashin pour reconnaitre et célébrer la présence millénaire des Anicinabek grâce à 6 œuvres d’arts permanentes publiques installées aux quatre coins de l’Abitibi-Témiscamingue.
Voir aussi: projet de médiation culturelle à l’école Le Tremplin