Jessy a commencé à travailler le bois très tôt dans sa vie. S’il n’avait pas de quoi s’affairer, il avait vite des fourmis dans les jambes. Ayant toujours vécu entouré de forêt, cette pratique lui semblait toute naturelle. Il s’initia auprès de son père, mais la forêt fut toujours sa meilleure enseignante. Connaître la forêt, pour lui, est un aspect important de son approche et il espère y sensibiliser la jeune génération.
« Tôt ou tard, si les jeunes ont toujours tout leur matériel [fourni et préparé pour eux], ils vont prendre du bois sans savoir lequel prendre pour faire leur tikinagan, leur hache ou leurs raquettes. Ils ne le sauront pas. C’est pour ça qu’il faut partir du début : aller dans le bois, aller couper son arbre et tout ça. Voilà pourquoi il est important de partir du début. »
Connaître les essences de bois et savoir les trouver font partie de sa culture et il est très fier d’être le porteur de ce savoir essentiel. C’est au contact des aînés, dit-il, qu’il a pris conscience de la valeur du savoir ancestral anicinabe. Il fit la migration au village d’été du Grand-Lac-Victoria en leur compagnie pendant huit années consécutives : il prenait soin du site, coupait leur bois de chauffage, réparait ce qui devait l’être, mais surtout, il les écoutait. Le Grand-Lac-Victoria joua un rôle important dans son apprentissage. Il se souvient notamment du jour où son père lui enseigna à confectionner des rames, à lui et à une dizaine d’autres enfants. Inspiré par les récits et les brins de mémoire que lui transmirent son père et les aînés au fil des années, Jessy a aujourd’hui la volonté que ce type de transmission se poursuive dans sa communauté. Non seulement souhaite-t-il pratiquer sa culture par la confection d’outils artisanaux, il estime important que la jeunesse ait l’occasion de faire de même.
Jessy a commencé à jouer de la musique vers l’âge de 14 ans. L’un de ses oncles possédait une guitare sur laquelle il laissait l’adolescent s’exercer. Le jeune Jessy aimait expérimenter les combinaisons de sons, sans même savoir qu’il créait alors ses propres accords. Un jour, il tomba sur un livre de tablatures et continua à apprendre de cette façon. Le violon, quant à lui, c’est à l’oreille qu’il se l’est enseigné. Son don pour la musique se révéla un cadeau pour tous, car rapidement, il en fit profiter les autres. Il apprit à jouer des gigues, car il aimait pouvoir faire danser les gens.
Le jour, Jessy met à profit sa connaissance de la forêt et du territoire du Grand-Lac-Victoria, où il travaille comme débroussailleur. Le soir, il continue d’explorer ses instruments de musique et de sculpter le bois tout en prenant soin de sa famille. Jessy accepte les commandes et offre ses services de musicien pour les soirées de danse et autres évènements.