« Je veux garder notre savoir traditionnel vivant. Je veux conserver notre langue. C’est cela qui me motive! Je le fais pour les enfants. »
Après le décès de sa mère, Grace fut placée en famille d’accueil avant d’être reprise par ses oncles. C’est ainsi qu’elle fit la rencontre, à deux ans, de la personne qui allait devenir son pilier et sa source d’inspiration pour le restant de sa vie. Kokoum Lina, qui prit la petite Grace sous son aile, lui enseigna tout ce qu’elle savait : le travail des perles, le tannage de la peau d’orignal, la fabrication de tikinagan et bien d’autres choses. Veuve depuis de nombreuses années, Kokoum Lina avait appris à se débrouiller et enseigna à Grace tout ce qu’il y avait à savoir de la vie en forêt. Kokoum Lina prit soin de Grace jusqu’au moment où la petite dut quitter sa communauté pour aller au pensionnat. Durant toute sa scolarité, elle passa néanmoins tout son temps libre en sa compagnie, poursuivant ainsi sa véritable éducation.
« Elle ne m’a pas enseigné en me commandant de ‘faire ceci’ ou de ‘faire cela’, mais me faisait l’observer. Beaucoup d’observation sans faire quoi que ce soit, juste observer. Parfois, si elle avait besoin d’aide, je l’aidais, mais la plupart du temps, elle m’enseignait par l’exemple et c’est ainsi que nous étions éduqués : par l’observation et l’écoute. »
L’approche de Grace est aujourd’hui profondément marquée par l’éducation qu’elle reçut de Kokoum Lina. C’est en plein-air ou sous la tente que Grace enseigne. Lorsque l’école de sa communauté fit appel à elle, elle accepta de prêter son savoir à la condition qu’elle puisse emmener les enfants en forêt, là où leur culture prend vie. Elle s’est ainsi mise à organiser des promenades éducatives et à préparer des démonstrations de tannage de peau sous un chapiteau de toile installé près de sa maison. Son objectif est de permettre aux élèves de découvrir ce qu’ils ne peuvent pas apprendre sur les bancs d’école selon les méthodes anicinabek : en observant, en écoutant et en touchant. C’est ainsi qu’elle a elle-même appris à pratiquer sa culture et, selon elle, les enfants d’aujourd’hui devraient bénéficier des mêmes opportunités; il en va de la survie de la culture.
Grace est de plus en plus souvent invitée à donner des ateliers dans d’autres communautés. On peut la voir balayer ses groupes du regard tandis que tout le monde s’affaire. Elle offre son aide à ceux qui la demandent tout en laissant beaucoup de place à l’expérimentation. Les participants sont ainsi invités à puiser dans leurs propres ressources pour trouver des solutions. La nature de ses ateliers varie selon les groupes et leur intérêts – Grace peut enseigner un vaste éventail de choses, allant de la confection de mocassins et le perlage au dépeçage du castor –, mais sa méthode conserve les mêmes fondations : l’observation et l’expérience pratique. Son projet pour les années à venir est de se consacrer davantage à l’enseignement et de parcourir le territoire pour aller à la rencontre des autres communautés anicinabek.
Plus sur le travail de Grace sur Gracefull Muks et Anishnabe Arts and Crafts.
Photos: Marie-Raphaëlle LeBlond